La dégradation de la matière organique

La matière organique subit un processus de recyclage constant dans la nature. Lorsque nous compostons ou lombricompostons, nous nous contentons d’optimiser les conditions de recyclage, afin que la dégradation de la matière organique soit accélérée. Nous en récoltons ensuite les fruits – le compost, les lombricompost et le lombrithé – utilisés pour fertiliser nos plantes d’intérieur ou d’extérieur, potagers et arbres, fruitiers ou non.

Voici, étape par étape, comment se déroule ce processus et quels en sont les acteurs.

Qu’est-ce que la dégradation naturelle

Les matières organiques fraîches sont les détritus végétaux, animaux (et humains) qui tombent à la surface du sol. L’activité biologique leur fait subir une transformation qui dépend de l’environnement.

En effet, en fonction des conditions climatiques, de la nature des sols, de l’épaisseur de la litière végétale, des micro-organismes et de la faune présents, la dégradation organique s’effectue plus ou moins vite et plus ou moins efficacement.

Quels sont les cycles de dégradation naturels

La dégradation de la matière organique suit un processus qui comporte cinq étapes :

  1. la lixiviation ;
  2. la fragmentation ;
  3. l'incorporation ;
  4. le catabolisme enzymatique ;
  5. la stabilisation.

La lixiviation

La lixiviation est la percolation de l’eau de pluie ou des cours d’eau environnants qui débordent parfois, à travers le sol. Cette imprégnation progressive du sol permet la dissolution des matières solides qui se trouvent à la surface, en entraînant les sucres solubles.

La lixiviation de carbone organique dissout produit un liquide que l’on appelle lixiviat.

La fragmentation

Les matières organiques sont de toutes tailles et, pour leur recyclage, elles doivent être fragmentées. Elles sont d’abord par le piétinement des animaux et des hommes, ainsi que par les autres détritus qui leur tombent dessus.

La fragmentation est également l’œuvre des différents organismes présents dans le sol, principalement les micro-organismes, avec les bactéries, et la faune du sol, avec les vers, termites, fourmis... Tous ces organismes se nourrissent de la matière organique qu’ils déchiquettent avec leur bouche et, en les ingérant, dans leur tube digestif qui achève le travail.

Ce travail de saprophage permet d’incorporer la matière organique dans le sol. Elle se retrouve dans les excréments des organismes et se mêle aux autres fragments. C’est pourquoi nos sols sont constitués en partie de boulettes fécales de nombreux petits animaux, que l’on considère comme les ingénieurs des litières : ils réalisent la fragmentation, puis redistribuent les fragments très riches dans les différentes couches de la litière.

Les matières organiques fragmentées sont désormais considérées comme des matières particulaires. Cela signifie qu’elles possèdent toujours une structure comparable à celle des matières organiques fraîches dont elles sont issues, et leurs parois cellulaires sont toujours identifiables. La différence est qu’elles possèdent une plus grande surface développée par unité de masse.

L'incorporation

On doit l’incorporation des matières organiques particulaires à la faune, constituée des ingénieurs du sol. Il s’agit de tous ces petits animaux qui ne cessent de déplacer les matières et réorganiser le sol. Dans nos régions, il s’agit principalement de vers, termites et fourmis.

Ils travaillent ainsi à l’incorporation des matières organiques particulaires, issus de la surface, dans des couches plus profondes : les premiers horizons du sol.

Le catabolisme enzymatique

Les micro-organismes saprotrophes du sol sont les bactéries, les champignons et les archées. Les archées sont des microorganismes unicellulaires procaryotes, c'est-à-dire des êtres vivants constitués d'une cellule unique, à l'instar des bactéries. Ils se présentent dans le sol, sous forme de filaments, colonies isolées ou biofilms à la surface des matières en décomposition. On les appelle les décomposeurs.

Ces micro-organismes trouvent dans les matières organiques particulaires leur source d’énergie indispensable à leur métabolisme, donc à leur survie. Pour l’en extraire, ils produisent des enzymes extracellulaires capables de lyser – détruire – les liaisons chimiques des matières organiques particulaires. Cela leur permet d’en détacher des sucres solubles.

Le carbone de ces molécules qu’ils utilisent pour leur énergie est rejeté sous forme de CO2. Les micro-organismes et la faune du sol permettent aussi de synthétiser les molécules organiques et de les rejeter dans le sol sous forme de glycoprotéines, polysaccharides, etc.

Les matières organiques particulaires, une fois fragmentées, ne ressemblent plus du tout à leur structure de départ. Les micro-organismes et la faune provoquent un effet de minéralisation, car ils libèrent des molécules inorganiques de CO2 et d’ions nutritifs, comme les phosphates ou l’ammonium.

La stabilisation

La minéralisation des matières organiques peut être freinée, et donc stabilisée, à chaque étape de la dégradation. Cela dépend des facteurs environnementaux, et notamment de la nature du sol. Les molécules s’absorbent plus ou moins bien et deviennent plus ou moins sensibles à la décomposition enzymatique. Ce phénomène s’appelle la stabilisation physico-chimique de la matière organique.

Il peut également se produire un phénomène de stabilisation physique ou de stabilisation par la structure du sol, lorsque les matières organiques particulaires, ainsi que les composés d'origine microbienne se retrouvent piégés à l'intérieur d'agrégats, par des gangues de particules minérales.

Dans ce cas, les matières organiques particulaires deviennent inaccessibles aux enzymes et micro-organismes, et ne peuvent plus être décomposées. Il faudra attendre un autre bouleversement du sol pour que les agrégats qui les ont piégés soient détruits et que le processus de dégradation reprenne.

Lorsque vous utilisez un lombricomposteur, le processus de la dégradation de la matière organique fonctionne sur le même principe, mais vous l’optimisez.

Quels sont les acteurs de la dégradation

Les microbes

La biomasse microbienne est constituée de bactéries, champignons et protozoaires. Elle représente la quantité de carbone vivant du sol. Comme nous l’avons vu, elle joue un rôle essentiel dans la dégradation de la matière organique.

La biomasse bactérienne transforme les matières et participe à la minéralisation du sol. Elle représente également un compartiment de stockage pour des éléments précieux pour le sol, comme l’azote.

On mesure la biomasse bactérienne pour évaluer la dynamique de la dégradation des matières organique.

Les lombrics

La biomasse animale est pour plus de moitié constituée de vers de terre. Selon la nature des sols, on peut recenser de 500 kilos, à 5 tonnes de vers par hectare de terrain.

Les vers sont classés en trois groupes. Les vers anéciques sont les plus grands. Leurs galeries sont creusées à la verticale : ils viennent se nourrir des matières organiques fraîches à la surface du sol, puis retournent au fond de leur galerie pour digérer. Ils sont donc d’excellents architectes du sol.

Les vers endogés (enchytréides) sont beaucoup plus petits. Depuis leurs galeries horizontales peu profondes, ils digèrent la matière organique incorporée dans l’horizon de surface du sol.

Enfin, les vers épigés vivent à la surface du sol. Ce sont ces espèces que l’on utilise pour le lombricomposteur. Dans la nature, ils sont exposés à tous les dangers. Ils sont les victimes des prédateurs qui les mangent (oiseaux et petits mammifères), du piétinement des sols par les gros animaux, de l’homme et des véhicules, ainsi que de toutes les interventions humaines dues à la pollution, à l’agriculture et aux travaux de construction.